Ce projet de recherche commun sera lancé au printemps 2021, avec un financement de l'Office fédéral de la culture (OFC) à hauteur de 100’000 de francs. S’appuyant sur les principes de la coopération, il est dédié à la recherche en provenance sur les collections du Royaume de Benin (Nigeria) dans les musées suisses. Le projet « Initiative Benin: recherche en provenance et transparence des collections du royaume de Benin (Nigeria) dans les musées suisses » (IBS) est porté par le Museum Rietberg. Huit musées au total, sous différentes autorités de tutelle (municipales, cantonales), soutiennent le projet et détiennent une centaine d'objets du royaume de Benin :
Bernisches Historisches Museum,
Pour la première fois, l’Office fédéral de la culture finance un projet de recherche à l'échelle de la Suisse portant sur les biens culturels africains acquis par les musées durant l’ère coloniale. Des projets individuels dans ce domaine ont déjà été soutenus dans le passé.
Même si aucune demande de restitution du Nigeria aux musées suisses n'a été formulée jusqu'à présent, il est désormais essentiel qu’ils agissent avec responsabilité et qu’ils engagent à la fois les recherches et le dialogue indispensable envers ce patrimoine culturel sensible.
Le cas du royaume de Benin au Nigeria est prééminent dans les débats sur le retour des biens culturels. Les demandes de restitution sont antérieures à l'indépendance du Nigeria en 1960, à l'adoption de la Convention de l'UNESCO de 1970 ou encore aux recommandations éthiques du Conseil international des musées (ICOM) en 1986. Depuis quelques années, les collections du royaume de Benin saisies lors de l'expédition britannique dite punitive de 1897, sont reconnues comme des œuvres d'art pillées. À cette époque, les troupes anglaises avaient détruit le complexe palatial de Benin-City, détrôné le roi et confisqué des milliers d'objets. Par le biais du marché de l'art, ces biens culturels ont été acquis par de nombreux musées et collections privées en Europe et aussi en Suisse.
Informations sur les collections de Benin dans les musées suisses
En comparaison des anciennes puissances coloniales, la Suisse présente une situation bien particulière de ses collections publiques originaires de Benin, dans la mesure où le marché de l'art et les collectionneurs privés y ont joué un rôle majeur.
Au total, 97 objets originaires du royaume de Benin au Nigeria ont été recensés.
Ils sont répartis comme suit : Bernisches Historisches Museum BHM (5), Historisches und Völkerkundemuseum St. Gallen HVM (8), Musée d'ethnographie de la Ville de Genève MEG (9), Musée d'ethnographie de la Ville de Neuchâtel MEN (18), Museum der Kulturen Basel MKB (20), Museum Rietberg Zürich MRZ (19), Museum Schloss Burgdorf MSB (3), Völkerkundemuseum der Universität Zürich VMZ (15).
Environ 40% de ces pièces ont été acquises par les musées suisses durant l’ère coloniale. Le lien des pièces acquises entre 1899 et 1904 avec l'expédition militaire britannique est évident. Les acquisitions faites après 1904 jusqu’à l’indépendance du Nigeria, et même au-delà de cette date doivent être précisément reconstituées pour comprendre si, de marchand-e-s en collectionneuses et collectionneurs, leur histoire remonte cependant jusqu’à l«’expédition punitive» de 1897.
Cependant, les objets du royaume de Benin ne sont pas tous arrivés jusqu’en Europe ou en Suisse dans la foulée de la mise à sac de la ville de Benin par les troupes anglaises. Certaines pièces conservées par des musées suisses ont été créées pour le marché de l'art occidental après 1897 ou même, dans certains cas, après l'indépendance du Nigeria. Le commerce local d'objets de Benin étant très ancien, les questions relatives aux acteurs africains du marché de l'art restent à creuser.
Objectifs d’une recherche en provenance axée sur le réseau de compétences et la coopération
Le projet de recherche en devenir vise à déterminer quels objets originaires de Benin ont été saisis lors de l'«expédition punitive» britannique et après quelles étapes le marché de l’art les a conduits en Suisse. Les pièces sans lien avéré avec l'«expédition punitive» seront, elles aussi, identifiées : par exemple celles qui ont été conçues plus tardivement ou qui auraient appartenu à des commerçant-e-s africain-e-s avant d’être vendues à des collectionneuses et collectionneurs ou des musées.
La recherche en provenance des collections coloniales s’appuie sur l’analyse des archives des anciennes puissances coloniales, des pays d'origine, des musées et du marché de l'art.
Un projet de coopération au niveau national et international est particulièrement bien adapté à cette recherche approfondie, notamment en ce qui concerne le patrimoine culturel de Benin : d'une part, chaque musée individuel ne possède qu'un petit nombre d'objets, dont la provenance est cependant souvent identique en raison d'accords d'échange entre musées ou d'histoires de collectionneuses et collectionneurs communes. D'autre part, l'enquête sur les objets coloniaux provenant de contextes d'acquisition violents, comme l'«expédition punitive» de 1897, doit être traitée en priorité.
Le projet commun crée des synergies dans la recherche en provenance et contribue à une meilleure collaboration en réseau entre les musées partenaires, mais aussi entre la Suisse et le Nigeria.
1. Une recherche en provenance « en réseau »
à travers la Suisse
Le projet de collaboration contribuera à l’approfondissement des connaissances sur la provenance des objets non seulement dans chacune des institutions muséales, mais surtout entre les institutions à travers toute la Suisse. La mise en commun des informations est essentielle car ce sont de réseaux parallèles de collectionneuses et collectionneurs et de marchand-e-s qui ont alimenté les collections des musées dans tout le pays.
2. Une recherche fondamentale sur le marché
de l’art et la Suisse à l’ère coloniale
Le projet apportera de nouvelles perspectives sur le marché de l’art national et international des biens culturels non européens. Ce faisant, il mettra en lumière les rôles joués par des Suisses durant la période coloniale et après l'indépendance du Nigeria.
3. Recherche en provenance
en coopération avec le Nigeria
La recherche en provenance attachée aux contextes coloniaux d'acquisition nécessite des enquêtes au cœur des archives mais aussi dans les pays d'origine, avec un intérêt tout particulier pour l’histoire orale. Ces récits ne pourront être recueillis et interprétés qu’avec le soutien et l’expertise de partenaires Nigerians du Palais royal de Benin, des musées nationaux et de la communauté des chercheuses et des chercheurs.
4. Ouverture et transparence
La communication transparente des résultats de la recherche en provenance sur les collections de Benin est à la base des futurs échanges avec le Nigeria et sa diaspora en Suisse. La coopération avec le Nigeria est essentielle pour appréhender la gestion future des œuvres et de leur histoire.
L'initiative Benin:
dialogue avec le Nigeria
Dans le cadre de l'initiative Benin en Suisse, le projet de recherche en provenance constitue le point de départ et le socle d'un dialogue avec le Nigeria sur l'avenir des objets conservés dans les musées suisses. L’analyse critique de l'histoire coloniale inscrite dans la biographie des œuvres est une réelle opportunité pour trouver de nouvelles formes de mémoire en dialogue étroit avec les actrices et les acteurs Nigerians. La question des restitutions devrait être l’un des sujets d’une approche conjointe et légitime de cette histoire douloureuse.
Progression du projet
et communication transparente
Ce projet collectif de recherche financé par l’OFC va se déployer du printemps 2021 à l'été 2022, les recherches en provenance étant menées par un-e collaborateur-trice scientifique en Suisse et un-e historien-ne au Nigeria. Outre la recherche portant sur les réseaux historiques des musées, des collectionneuses et collectionneurs et de marchand-e-s, le projet prévoit également de construire un réseau collaboratif avec des responsables du patrimoine Nigerian, dans les musées et au Palais royal de Benin-City. À la fin du projet de coopération, un rapport détaillé sur les résultats de la recherche sera rédigé en allemand, en anglais et en français et communiqué en Suisse comme au Nigeria. Les résultats de la recherche seront également rendus publics sur les sites internet institutionnels des musées partenaires. D'autres événements tels que des tables-rondes, des conférences, des expositions, etc. sont prévus.
L'initiative Benin en Suisse est en étroit échange avec d'autres projets internationaux de recherche et de coopération (par exemple le « Benin Dialogue Group », le projet Benin Digital ou le groupe de travail "Provenances coloniales" de l'Arbeitskreis Provenienzforschung e.V.).
Direction du projet
et principaux contacts
|